Sous le chapeau de paille, l'oeil attentif scrute le marais. Une fine couche blanche recouvre les seize oeillets du marais salant la Tenue de Mareil. Au soleil, la fleur de sel a des reflets rosés. Ce soir, Bernard Thébault récoltera l'or blanc. Mais avant, il reste attentif à l'écoulement de l'eau. « Du matin au soir, je règle le débit d'eau en fonction de la météo. C'est difficile car je n'ai pas d'outil. Juste mes yeux et l'intuition », confie le paludier.


Une passion dévorante

Depuis près de six ans, Bernard Thébault cueille le sel, au coeur du marais breton. « Le sel, je suis tombé dedans comme Obélix dans la potion magique, plaisante-t-il. Avant, j'étais technicien en agriculture pour la région Loire-Atlantique. Petit à petit, mon métier a changé. Je suis devenu un rat de bureau ». En 2004, lors de vacances à l'Île de Ré, l'homme découvre le métier de saliculteur. « Au milieu des marais, je me suis senti bien. Là, j'ai compris que je devais changer de vie ». Depuis, le sel lui colle à la peau. Comme une passion.
Bernard Thébault troque sans regret son bureau contre une vie au grand air. Suit une formation et s'installe, en 2006, aux Moutiers-en-Retz. « C'est le seul marais de la commune. Avec les deux paludiers de Bourgneuf-en-Retz, nous sommes les survivants du marais breton ! » Du Moyen-Âge jusqu'au XVIIIe siècle, le marais breton était le premier marais salicole de France. « Bretagne est Pérou pour la France », ainsi parlait François Ier. « Même en temps de guerre, les belligérants s'entendaient pour l'achat et la vente. Le marais était le grenier à sel de l'Europe », souligne le paludier.


Des dérivés de cyanure dans le sel industriel

Avec l'arrivée du chemin de fer, au XIXe siècle, le marais breton décline. « Un sel industriel arrivait par le train des Salins du Midi. Forcément, il était moins cher », regrette Bernard Thébault. « Les consommateurs pensent que le sel vendu dans les grandes surfaces est bon. C'est faux ! Saviez-vous qu'il contient du cyanure, sous forme d'antiagglomérant ? » Les additifs E535 et E536, présents dans le sel industriel, sont en effet des dérivés du cyanure. Et sur la qualité, le producteur est intransigeant. « Dans nos marais, le sel est un produit vivant, il s'est enrichi. Produit par la main des hommes, je trouve qu'il a une vraie valeur », tranche le saliculteur.
Sur la route, une voiture s'arrête. Originaire du nord, la famille Kaczmarek connaît bien ces marais. Depuis trois ans, les vacanciers viennent chaque été acheter l'or blanc de Bernard Thébault. « Le sel est naturel : on le sait, on le voit. On fait confiance au paludier ». Un raisonnement qui plaît à l'intéressé. Le sel du Monastérien n'est pas commercialisé en grande surface. « J'aimerais passer d'une société de consommation à une société de cohérence. Et vendre local, ça c'est cohérent ! »
À ciel ouvert, avec patience et humilité, Bernard Thébault cueille son or. « L'homme veut toujours tout maîtriser. Ici c'est impossible », lâche-t-il dans un sourire. Dans les marais, il a trouvé le piquant, l'étincelle : le sel de la vie.

Marie-Charlotte DULUC.

Marais salant la Tenue de Mareil, route de Moraudeau, les Moutiers-en-Retz. Tél. 06 68 30 12 13.